Adrien-Maisonneuve, 1973. — 232 p.
L’objet essentiel de la grammaire comparée, depuis une soixantaine d’années, a été de poser des correspondances entre les langues indo-européennes, et d’expliquer, en partant de l’état que définissent ces correspondances, le développement des dialectes attestés. On met donc au compte de l’indo-européen tout ce qui semble hérité dans chacun des dialectes, avec la conviction, implicite ou avouée, qu’on ne saurait sans danger pousser la restitution au delà du prototype immédiat. Depuis le Mémoire de F. de Saussure, le problème de la structure des formes indo-européennes elles-mêmes a été presque complètement négligé. Il paraît communément reçu qu’on peut analyser l’évolution de l’indo-européen sans se soucier de ses origines, qu’on peut comprendre des résultats sans pousser jusqu’aux principes. De fait, on ne va guère au delà de la constatation. L’effort, considérable et méritoire, qui a été employé à la description des formes n’a été suivi d’aucune tentative sérieuse pour les interpréter. Là est sans doute la cause principale du malaise actuel de la grammaire comparée : si la recherche proprement comparative tend à s’éparpiller en travaux de plus en plus menus, c’est qu’elle a oublié les questions fondamentales; et si bien des linguistes se détournent de la comparaison, c’est pour s’être laissés aller à croire que l’on n’avait plus de choix qu’entre le connu et l’inconnaissable.